René Guénon

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Le symbole du « pavé mosaïque » est de ceux qui sont souvent insuffisamment compris ou mal interprétés ; ce pavé est formé de carreaux alternativement blancs et noirs, disposés exactement de la même façon que les cases de l’échiquier ou du damier. Nous ajouterons tout de suite que le symbolisme est évidemment le même dans les deux cas, car, ainsi que nous l’avons dit en diverses occasions, les jeux ont été, à l’origine, tout autre chose que les simples amusements profanes qu’ils sont devenus actuellement, et d’ailleurs le jeu d’échecs est certainement un de ceux où les traces du caractère « sacré » originel sont demeurées les plus apparentes en dépit de cette dégénérescence. Au sens le plus immédiat, la juxtaposition du blanc et du noir représente naturellement la lumière et les ténèbres, le jour et la nuit, et, par suite, toutes les paires d’opposés ou de complémentaires (il est à peine besoin de rappeler que ce qui est opposition à un certain niveau devient complémentarisme à un autre niveau, de sorte que le même symbolisme est également applicable à l’une et à l’autre) ; on a donc là, à cet égard, un exact équivalent du symbole extrême-oriental du yin-yang . On peut même remarquer que l’interpénétration et l’inséparabilité des deux aspects yin et yang, qui sont représentées dans ce dernier cas par le fait que les deux moitiés de la figure sont délimitées par une ligne sinueuse, le sont ici aussi par la disposition enchevêtrée des deux sortes de carreaux, tandis qu’une autre disposition, comme par exemple celle de bandes rectilignes alternativement blanches et noires, ne rendrait pas aussi nettement la même idée et pourrait même plutôt faire penser à une juxtaposition pure et simple . Il serait inutile de répéter à ce propos toutes les considérations que nous avons déjà exposées ailleurs en ce qui concerne le yin-yang ; nous rappellerons seulement d’une façon plus particulière qu’il ne faut voir dans ce symbolisme, non plus que dans la reconnaissance des dualités cosmiques dont il est l’expression, l’affirmation d’aucun « dualisme », car si ces dualités existent bien réellement dans leur ordre, leurs termes n’en sont pas moins dérivés de l’unité d’un même principe .

René Guénon ( œuvre complète).



- A suivre...




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